Emprunté au latin, pro- (« devant ») et vocatio (« action d’appeler »), une provocation est un appel à prendre l’initiative d’une action.

La question sera pour ce collectif de réfléchir à la manière de dépasser l’endroit où ils sont, une ville suisse, et ce qu’ils sont : des jeunes acteurs professionnels qui s’apprêtent à quitter l’école et à suivre leur vocation.

Si toute action théâtrale peut être assimilée à une provocation dans un sens politique, nous commencerons par aller à la rencontre de la polis (« cité ») à laquelle et de laquelle nous voulons parler. Nous tenterons d'en définir les contours et les modes de fonctionnement en questionnant ce qui provoque l’individu.

Viendra ainsi le temps de la prise de parole et avec elle, celui des responsabilités.

Arpad Schilling

dimanche 2 juin 2013

CE N'EST PAS MON AVIS


Ne souffrez plus : mourez !
EXIT (A.D.M.D. Suisse romande) pense que tout adulte lucide, qui, après avoir tout essayé, estime que la vie lui est devenue absolument insupportable, a le droit de prendre en charge sa mort et d'y être aidé. […] Il s'agit de ne pas prolonger l'agonie et la souffrance, jugées intolérables par la personne concernée et lui permettre de mourir dignement et sereinement. […] Mettre en œuvre ce qui fait notre grandeur d'être humain : prendre en charge les événements majeurs de notre existence et nous comporter de façon responsable. C'est notre décision et il n'appartient à personne de décider à notre place jusqu'où et jusqu'à quand nous devrons souffrir.
Naturellement, personne ne peut décider à la place d'un autre, ni la manière, ni le moment de sa mort. Il serait d'ailleurs impensable d'oser délivrer quelque conseil que ce soit à ce sujet, et pourtant … En regardant EXIT, le documentaire réalisé par Fernand Melgar en 2005, j'ai été frappée de constater mon grand désaccord avec cette pratique protocolaire du suicide assisté. Les dernières images sont révoltantes. Un “accompagnateur“ – et qui plus est, le Dr Jérôme Sobel, président de l'association – à qui la future défunte a donné rendez-vous, accompagne la suicidée jusqu'à la dernière minute. Et pour ainsi dire, c'est précisément parce qu'il est présent dans ses derniers instants de vie, qu'il est en mesure de lui voler sa propre mort : « Tout à l'heure, quand vous vous sentirez partir, après avoir avalé la potion, pensez à un bon souvenir », lui glisse-t-il à l'oreille, compatissant. De quel genre de mission cet homme est-il chargé ? Quel espèce de “conseil de dernière minute“ est-ce là ? Jusqu'où va-t-il pour s'assurer de la pleine sérénité de l'agonisante, pour forcer la dignité ? Dans quel but ? Qu'est-ce que « notre grandeur d'être humain » ? Mourir gentiment, accompagné d'une brochure "Dignité et fin de vie", ou d'un représentant de ce que doit être une mort digne, est-ce se « comporter de façon [plus] responsable » que d'avaler une tonne de médicaments ou d'utiliser la bonne vieille méthode du revolver ?
EXIT (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité), basée en Suisse romande, propose une mort douce et placée sous le signe de la délivrance par absorption de pentobarbital, un barbiturique qu'on a coutume d'appeler ici, dans le jargon de la délivrance : « potion ». En offrant la possibilité à des personnes atteintes de maladies incurables de s'auto-délivrer, EXIT prétend lutter pour « supprimer les souffrances inutiles ». De l'inutilité des souffrances : voilà un très joli sujet de société. A l'époque où “vie“ rime avec “bonheur en société“, 50 % de la population mondiale doit avoir envie de s'auto-délivrer de ces carcans uniformisants et inhumains. La souffrance, qu'elle soit physique ou psychique et si intolérable qu'elle soit, est surmontable. On ne peut que la vivre, sans nous, elle n'existe pas. C'est elle qui nous fait exister. Il me semble que le combat dans lequel s'est lancé EXIT tend à faire disparaître la solitude plus que la condition « indigne » dans laquelle la maladie peut jeter l'être humain. C'est cette solitude, cette impuissance face à la douleur que l'on veut chasser en avalant une gorgée de potion magique !
Pourquoi vouloir à tout prix se donner les moyens de se « suicider sans violence » ? N'est-ce pas une façon de nier la mort que de vouloir la contrôler ? « Nous constatons que c'est tuant de vouloir mourir », clame gaiement une membre de l'association lors d'une assemblée. Elle ne croit pas si bien dire : c'est tuant de pouvoir s' assurer de sa propre mort. Le mystère de la condition humaine ne réside-t-il pas justement dans l'incapacité que nous avons à mourir, et à regarder mourir les autres ?
Isabelle
Liens : http://www.exit-geneve.ch/
Référence : EXIT, documentaire de Fernand Melgar, Climage Productions JMH, 2005, 76 minutes.

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